Dans son ambition de réindustrialiser la France, le gouvernement veut faire la part belle aux start-up industrielles et aux technologies. Rien de plus normal compte tenu de leur force d’innovation et de leur capacité structurellement inégalable à développer des technologies de rupture dans des domaines aussi divers que stratégiques : santé, aérospatial, énergie, semi-conducteur, etc. Mais de l’intention à la réalité, la marche peut être haute. En cause, les compétences industrielles disponibles. C’est donc l’occasion de réhabiliter les seniors : les seniors valent de l’or !
L’imaginaire qui entoure la start-up projette des figures jeunes ayant troqué le costume-cravate pour un ensemble jean-basket et évoluant dans l’univers de travail « cool » de l’entreprise libérée. Des entreprises fondées par des jeunes et opérées par des équipes jeunes donc. Dans les start-up industrielles, le cliché mérite d’être questionné.
Lorsque des jeunes entrepreneurs lancent une start-up, ils ont des idées, de la volonté et une énergie débordante. Pour une partie d’entre eux, et particulièrement dans l’industrie, il leur arrive bien souvent de manquer dans leur équipe tout à la fois d’expérience, de réseau, de culture industrielle et par conséquent de certaines compétences clés très pointues.
Bases solides. Si la génération des seniors peut s’avérer peu branchée réseaux sociaux, elle a, en revanche, des qualités industrielles indéniables. Rappelons-nous que c’est une génération qui, lorsqu’elle sortait des écoles d’ingénieurs, s’orientait avant tout vers l’industrie ! Elle a aujourd’hui toute sa place dans la nécessaire installation d’usines sur notre territoire – tournées vers l’avenir, prenant élan sur des bases solides.
Pour les jeunes entrepreneurs, s’entourer de personnes expérimentées, est un moyen de muscler rapidement leurs équipes en compétences profilées pour leurs besoins. C’est aussi l’opportunité d’être mieux positionné par exemple auprès de leurs investisseurs et partenaires business. Les aînés peuvent servir de réassurance, voire de caution, dans les relations avec ces derniers. C’est aussi pouvoir s’appuyer sur des personnalités rompues aux difficultés inhérentes à l’industrie et qui ont su gagner avec le temps « les codes de l’industrie » et une capacité à prendre du recul face à l’adversité. En s’entourant de cette façon, le start-upper affiche finalement une grande maturité, de nature à séduire son écosystème.
Nommer un senior advisor auprès du dirigeant, intégrer une expertise dans le conseil scientifique ou le conseil d’administration de la société en sont d’autres. De nombreuses start-up travaillent ainsi avec des anciens patrons ou cadres dirigeants de grands groupes de façon très proche
Il y a plusieurs façons pour ces jeunes pousses technologies et industrielles de profiter de la « Papy Tech ». Recruter en est un. Nommer un senior advisor auprès du dirigeant, intégrer une expertise dans le conseil scientifique ou le conseil d’administration de la société en sont d’autres. De nombreuses start-up travaillent ainsi avec des anciens patrons ou cadres dirigeants de grands groupes de façon très proche. Rien de mieux pour crédibiliser un projet innovant que l’on veut installer dans la durée. Certains fonds d’investissement n’hésitent pas, eux, à détacher des seniors au long CV industriel chez certaines de leurs participations pour les appuyer dans leur développement.
Aventure entrepreneuriale. Pour les fins de carrière ou les retraités de l’industrie, participer à l’aventure entrepreneuriale d’une start-up répond bien souvent à l’envie de se renouveler ou de redonner du sens parfois à son travail. Entre la crise de la cinquantaine, le rétrécissement naturel de la pyramide au sein des grands groupes où la peur de l’ennui une fois à la retraite, cela peut être l’opportunité pour ces talents industriels de continuer à exercer une activité stimulante ou d’assouvir en partie une soif entrepreneuriale sans avoir à endosser le costume du start-upper. Le plus souvent, il s’agit d’une volonté de partager et de laisser en héritage tout ce que l’on a pu apprendre durant une longue carrière.
Nos jeunes pousses innovantes grandiront avec d’autant plus de succès qu’elles pourront s’appuyer sur des racines industrielles solides. C’est le moment de revaloriser le travail de nos aînés : entre expérience et compétence, les cheveux gris sont précieux pour le futur de notre industrie !
Jérôme Faul, président du directoire d’Innovacom.