par Jérôme Faul
Nous assistons, depuis quelques mois, à une séquence politique où l’industrie retrouve ses galons après plusieurs décennies de désintérêt manifeste. C’est une excellente nouvelle. Dans ce contexte, la start-up nation n’oublie pas ses jeunes pousses. (Par Jérôme Faul, président du directoire d’Innovacom)
L’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’économie viennent ainsi de présenter au gouvernement quelques recommandations pour favoriser le développement des start-up industrielles.
Sources d’innovation et créatrices d’emplois, ces start-up industrielles contribuent à une autonomie technologique et ont donc un rôle majeur à jouer dans les transitions numériques, environnementales, économiques que va connaître notre pays. Il est urgent de s’en préoccuper.
La France dispose d’un terreau fertile pour l’innovation et continue à se distinguer par un niveau de recherche élevé et un nombre de dépôts de brevets dans des secteurs très variés. L’innovation est devenue un prérequis essentiel pour garantir la compétitivité de nos industries. Un atout que la France peut continuer à valoriser en favorisant le développement de la collaboration entre industriels, chercheurs et capitaux-risqueurs.
Or, si on se félicite régulièrement des beaux résultats de la Tech française avec ses records de levées de fonds au premier semestre 2021 (5,14 Md€) – oubliant au passage que l’Hexagone reste loin derrière ses homologues anglais (16,44 Md€) ou même allemands (7,83 Md€) –, on passe allègrement sous silence la difficulté de nos start-up industrielles à passer à l’échelle. Les innovations de rupture et leur industrialisation à grande échelle disposent d’un potentiel susceptible de transformer en profondeur des industries qui s’adressent aussi bien à des professionnels qu’au grand public.
Emmenées par des équipes de qualité et accompagnées par des experts, capables, ensemble, de développer ces innovations de rupture, les start-up industrielles deviennent non seulement des investissements qui peuvent se révéler très rentables, mais elles apportent aussi une valeur extra-financière non négligeable. Création d’emplois, développement de filières et renforcement de la souveraineté technologique… autant d’arguments qui plaident en faveur d’un accompagnement à la hauteur de ces enjeux !
Accompagner la croissance, de l’amorçage au late stage
La particularité des start-up industrielles réside notamment dans l’importance des besoins en capitaux et la durée d’attente avant un retour sur investissement. Dès lors, les deux enjeux majeurs qui entourent le développement de ces jeunes pousses sont la disponibilité d’un capital patient et le continuum de financement, de l’early stage au late stage, pour que leur existence ne s’arrête pas à leur adolescence.
Or, attirés par des retours sur investissements plus rapides ou freinés par une prise de risque jugée trop importante, les investisseurs se tournent plus spontanément vers d’autres secteurs comme le logiciel ou les services. C’est un obstacle qu’il faut lever. La mobilisation des investisseurs au profit des start-up industrielles est essentielle – en particulier ceux qui ont déjà l’habitude d’accompagner des sociétés à plusieurs stades de maturité.
C’est le bon moment pour permettre à nos entreprises innovantes de concourir dans la compétition internationale : il y a une prise de conscience réelle et une disponibilité de l’épargne avérée.
Pour accélérer et franchir le pas, des solutions existent. À commencer par un changement de méthode : concentrons les efforts d’investissement et d’accompagnement sur les secteurs les plus stratégiques et sur ceux où la France dispose déjà d’un écosystème mature et compétitif comme l’aéronautique, l’énergie ou la santé. Renforçons également les acteurs qui œuvrent déjà dans, et pour ces secteurs, en capitalisant sur leur expérience.
En parallèle, ne misons pas tout sur une politique de « distribution », mais développons une approche centrée sur une logique d’incitation et de fléchage des financements disponibles. Les institutionnels doivent s’appuyer sur les acteurs privés pour gagner en puissance et en efficacité. Quelques mécanismes méritent d’être étudiés : déplafonnement des réductions d’impôts (à l’entrée comme à la sortie), augmentation des garanties pour les projets qui n’aboutiraient pas, priorisation des plus-values vers les investisseurs privés, assouplissement du régime d’apport-cession ou encore une facilitation de la transparence fiscale en permettant que les pertes viennent en déduction des gains pour ne taxer que le gain net global.
Enfin, évitons, notamment pour les institutionnels, un recours spontané à des produits de l’État, terreau fertile au développement d’une concurrence déloyale dommageable pour tout l’écosystème. La France a les moyens de ses ambitions pour accompagner la réindustrialisation et renforcer sa souveraineté technologique par l’innovation ! Passons à l’acte !
Jérôme Faul, président du directoire d’Innovacom.