Une longue file d’attente s’était formée, mardi soir, devant l’Elysée pour se frayer une entrée à la réception organisée en ouverture du France Digitale Day. On ne boudera évidemment pas cette ode à la French Tech ni notre plaisir après les annonces faites à l’occasion et destinées à doper le financement de nos pépites technologiques à un stade, dit « late stage », où l’entreprise cherche à lever des montants compris entre 50 et 100 millions d’euros. Le tour est-il joué pour autant ?
N’oublions pas que pour arriver à ce stade du venture capital, encore faut-il avoir pu se financer et survivre jusque-là. De l’early stage au late stage, c’est sur le continuum de financement que nous devons collectivement travailler. On se félicite régulièrement d’avoir réglé la question de l’amorçage, le tout début de vie des start-up.
Même là, le montant moyen de levée de fonds reste très modeste au regard de ce qu’on observe dans d’autres pays, notamment aux Etats-Unis. Le montant moyen d’un tour de financement est d’un peu plus d’un million d’euros. Cela permet de financer 10 personnes pendant 1 an. Cela reste des démarrages de projets modestes. Et l’étape suivante est déterminante. Or, selon les données même de France Invest, les fonds français n’ont financé que deux tickets supérieurs à 30 millions en 2018.
Oui, la mobilisation des investisseurs institutionnels est essentielle. Sans avoir la puissance de feu des Etats-Unis où les fonds de pension assurent une manne financière à placer colossale, la France est malgré tout le premier marché d’Europe continentale pour la gestion d’actifs avec un encours de près de 4.000 milliards d’euros.
Ces « zinzins » sont donc essentiels pour pouvoir mobiliser de gros tickets de financement en phase de late stage. Mais ils le sont tout autant dans des phases plus précoces de la vie des entreprises où les tickets sont plus petits. Or, aujourd’hui, ces investisseurs ne veulent pas démultiplier les petites lignes d’investissement et la prise de risques est jugée trop importante. C’est un obstacle qu’il faut résoudre.
Ne nous y trompons pas. La réglementation prudentielle est un élément clef. Les obligations ont représenté près des trois quarts des portefeuilles l’an dernier. Pourquoi ? parce que la directive Solvabilité II n’est favorable ni aux actions, ni à l’immobilier et encore moins aux actifs non cotés ! Le capital-investissement représente 1 % seulement des portefeuilles.
Comment sortir de cela ? Recourir à la BPI comme financeur catalyseur est une solution. Mais il y a d’autres leviers. Plutôt que d’investir directement, l’Etat peut inciter à investir davantage. La BPI offre aujourd’hui une garantie en fonds propres qui permet de rembourser aux fonds de capital-innovation 70 % de leur investissement si la start-up dans laquelle ils ont investi échoue. Le plafond de financements éligibles pris en garantie s’élève à 5 millions d’euros par société en portefeuille de moins de 5 ans et à 1 million par société de plus de 5 ans. L’enveloppe globale de la BPI est de 150 millions par an. Tous ces plafonds pourraient être relevés.
D’autres pistes doivent être étudiées : créer des fonds d’investissement secondaires pour faciliter les sorties des investisseurs en capital-innovation en quête de liquidité et promouvoir le corporate venture comme nouvelle source de financement du capital-innovation, en leur permettant d’amortir sur des durées longues leurs investissements réalisés dans des PME innovantes. On pourrait également chercher à faciliter la création de fonds ombrelle, multi-compartiments, investissant dans chacune des étapes de la vie de l’entreprise, ce qui autoriserait une taille de fonds plus importante et donc plus attractive pour les investisseurs institutionnels.
Une partie de ces propositions ont été mises sur la table par France Invest depuis un moment. Elles sont toujours d’actualité. Tout cela passe par un aménagement des cadres réglementaires et fiscaux. Travaillons-y enfin.
Jérôme Faul
Président du Directoire – Innovacom