En cette soirée de l’automne 1999, plusieurs dizaines de personnes sont rassemblées au Ministère de la Recherche et attendent son patron, Claude Allègre, qu’un avion capricieux retient momentanément à Bordeaux. Avantage de la situation, nous sommes autorisés à attaquer le buffet. L’ancien chercheur devenu ministre arrive enfin pour remettre leurs prix aux premiers lauréats du concours de startups innovantes qu’il a mis en place (et qui existe toujours sous l’appellation concours i-Lab). Avec Thierry Georges et une équipe de chercheurs en optique, nous avons cofondé quelques semaines plus tôt Algety – la société qui reçoit le premier grand prix. Le jury a eu le nez creux, surtout pour une première édition, puisque quelques années plus tard la société s’est magnifiquement bien développée et est cédée pour 2 milliards de dollars à l’occasion d’un build-up suivi d’une introduction au Nasdaq.
Vingt ans plus tard, dans le rapport qu’il vient de remettre à l’actuelle ministre, Frédérique Vidal, François Jamet affirme d’entrée de jeu que « la valorisation par création de startup [est] une adhésion désormais partagée au sein de la recherche publique ».
Depuis plusieurs mois, Bpifrance se fait le chantre de la deeptech. L’industrialisation, le marketing et la commercialisation d’une technologie de rupture mise au point dans un laboratoire de recherche au travers de la création d’une startup apparaît donc aujourd’hui comme une évidence. Très peu de grandes entreprises ont la capacité à mettre sur le marché des innovations de rupture parce qu’elles cannibalisent leurs lignes de produits existants et que, par définition, sortir un produit en rupture avec le passé requiert une rupture dans les processus auxquels les grandes entreprises sont très attachées et qui font par ailleurs leur force.
Les startups sont un excellent moyen de valoriser les technologies issues des laboratoires français (aux CEA, CNRS, INRIA par exemple mais aussi dans les universités ou grandes écoles ainsi que dans l’industrie)[i] dont l’excellence n’est plus à prouver.
Elles vont construire les produits, trouver leurs premiers marchés puis pourront, selon les circonstances, continuer à grandir ou plus probablement être acquises par un grand groupe qui pourra alors consolider les premiers développements techniques et commerciaux pour en faire des réels succès mondiaux.
Si la recherche publique (resp. privée) est financée en amont par des fonds publics (resp. par les grandes entreprises) et si le développement en aval est financé par l’entreprise qui consolide, la phase startup ne peut guère être financée par le capital innovation : il faut un accompagnement agile au service d’une jeune entreprise agile.
Les moyens doivent être conséquents pour pouvoir suivre en volume (les projets technologiques requièrent beaucoup d’argent) et en durée (ils sont longs à éclore). Heureusement, de nombreux succès sont là pour démontrer que c’est un modèle vertueux où les réussites compensent largement les échecs.
Les fonds de capital innovation qui sont bien gérés (premier quartile) offrent des rendements annuels de 12,5%[ii]. Le succès technique s’accompagne logiquement d’un succès financier.
La France est un pays avec de nombreux centres de recherche et une réelle envie d’entreprendre sur des sujets ambitieux.
On n’a toujours pas de pétrole mais on a toujours des idées ! Il faut en profiter et donner à nos chercheurs, ingénieurs et entrepreneurs les moyens de se développer.
On ne peut donc qu’encourager, encore et toujours, les investisseurs de tout type à financer des jeunes entreprises innovantes en particulier dans la technologie.
Jérôme Faul
Président du Directoire – Innovacom
[i] Quelques exemples récents (non exhaustifs !) :
[ii] Source France Invest